L’expression japonaise Nankurunaisa est souvent traduite par
« Avec le temps, tout se règle. »
Si cette formule peut apporter du réconfort, elle gagne à être précisée d’un point de vue thérapeutique.
En clinique comme en accompagnement thérapeutique, le temps joue un rôle essentiel, mais il n’agit pas seul.
Le temps n’est pas un facteur actif en soi
Le temps permet la maturation, l’intégration et parfois l’apaisement spontané de certains vécus.
Cependant, de nombreuses recherches en psychologie et en neurosciences montrent que sans élaboration psychique ou corporelle, certaines expériences restent actives, même après de nombreuses années.
Autrement dit :
le temps peut contenir, mais il ne transforme pas nécessairement.
Deux temporalités distinctes : l’esprit et le corps
En thérapie, on distingue souvent :
La temporalité psychique
Elle concerne la compréhension, la mise en sens, la narration de l’expérience.
Une personne peut rapidement identifier l’origine de sa souffrance, comprendre ses mécanismes, voire modifier ses représentations.
La temporalité corporelle et neurobiologique
Le corps, et notamment le système nerveux, fonctionne selon des rythmes plus lents.
Les mémoires implicites, sensorielles ou émotionnelles ne se modifient pas uniquement par la parole ou la compréhension cognitive.
Il est ainsi fréquent d’observer un décalage entre ce que l’on sait et ce que l’on ressent.
Le rôle des thérapies : soutenir le travail du temps
Les dispositifs thérapeutiques — qu’ils soient verbaux, corporels ou créatifs — ne « remplacent » pas le temps.
Ils l’organisent, le soutiennent et le rendent opérant.
Les thérapies permettent notamment :
la régulation du système nerveux,
l’intégration progressive des expériences vécues,
la création de nouvelles associations émotionnelles et corporelles,
la restauration d’un sentiment de sécurité interne.
Les approches intégratives, incluant le corps, l’émotion et la créativité, respectent davantage la complexité de ces temporalités multiples.
Guérir n’est pas attendre
D’un point de vue thérapeutique, guérir ne consiste pas à attendre que le temps passe,
mais à entrer dans un processus.
Un processus où le temps, l’accompagnement, la relation et l’engagement personnel se rencontrent.
Ainsi, Nankurunaisa pourrait être entendu non comme une injonction à la patience passive, mais comme une invitation à respecter le rythme du vivant, tout en s’appuyant sur des cadres sécurisants et soutenants.
Le temps fait son œuvre.
Les thérapies aussi.
Et c’est souvent dans leur alliance que les transformations durables deviennent possibles.

